mardi 12 mai 2015

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Saint Suaire...

.... Sans jamais oser le demander... Ou le Saint Suaire enfin dévoilé...

Voila un sujet qui fait débat depuis de nombreuses années. Et qui cristallise pas mal de sujets qui nous tiennent à cœur, pour les expliquer.
Nos avons déjà parlé des biais qui font qu'on ne voit QUE ce qu'on veut veut voir, et nous avons aussi abordé d'autres thèmes qui vont nous aider à la compréhension de ce nouveau billet.
Cet artefact fait polémique, mais seulement depuis l'époque moderne. Mieux : il déchaine les passions par les implications que chacun veut bien y voir.
Chaque camp campe sur ses positions et conteste jusqu'à l'absurde les théories de l'autre camp.
Le fait que l'on soit croyant ou non ne change rien à l'affaire, car les faits sont les faits. Mais les implications sont fortes : si l'homme qui apparait sur la toile est le Christ, alors impossible de douter, et la religion Catholique devient, de fait, une réalité incontestable.
Si l'homme qui apparait sur la toile ne peut pas être identifié au Christ, cela change la valeur du Suaire en une simple, et géniale, mystification, mais cela ne remet en aucun cas en doute les croyances théologiques de chaque individu. Par contre, cette mystification révélée mine le discours de l'église Catholique et affaiblit sa puissance.
Les enjeux sont sont colossaux. Si l'église s'est trompée ou pire a abusé ses fidèles sur ce point, elle a pu le refaire sur d'autres points et c'est l'intégralité de son discours qui est remis en doute.
Et pourtant, il y a une réalité.


Les faits "connus"

Comme toujours, il convient de reprendre les faits et les replacer dans leur contexte. Ce n'est que après avoir remis les choses en perspective que l'on peut essayer de faire des théories explicatives.
Tout d'abord, nous allons laisser de coté les querelles partisanes et évacuer tout un tas de petits points de détail que chaque camp invoque régulièrement et qui ralentissent le débat et détournent du coeur du problème.
Premier point, le suaire est en réalité un linceul. Le suaire est une petite pièce de tissu que l'on pose sur le visage du défunt pour maintenir la bouche fermée, une sorte de serviette passant sous le menton et allant sur le sommet du crâne.
Le Saint Suaire est donc un Saint Linceul. Pour des raisons pratiques liées à la médiatisation du phénomène, nous continuerons à employer le terme Saint Suaire.
Second point, il existe d'autres linceuls (sans compter d'innombrables autres reliques), mais c'est incontestablement celui de Turin qui est le plus connu mondialement et c'est de celui là uniquement que nous allons parler.
Sans vouloir chipoter, il va de soi que seul un suaire (et un seul) peut être authentique. A priori, celui de Turin est considéré comme le seul authentique. C'est pour cela que nous ne parlerons que de celui là.
Troisième point, nous éviterons les assertions sans fondement. Sinon, tout est dans tout et réciproquement..... Par contre, si nous arrivons, avec des moyens très simples à reproduire un Suaire, on peut en conclure que la mystification est avérée.

Revenons donc sur l'histoire, et considérons que nous suivons les Evangiles.

Après sa mort sur la Croix (que ce soit en forme de T comme le disent les historiens ou sous forme de croix latine à 4 extrémités comme le veulent les croyants est secondaire), Jésus est inhumé.
La tradition juive à cette époque, est de placer le corps dans une "grotte" artificielle, creusée exprès pour l'inhumation : le Sépulcre.

Ensuite, Joseph d'Arimathie, un juif converti, qui avait fait creuser ce sépulcre pour lui, mais qui le met à disposition du Christ, procède à la toilette mortuaire avec Nicodème.

Autrement dit, il oint le corps avec des aromates (l'odeur des aromates dissimule les odeurs du corps en décomposition, qui sous ces latitudes se décompose très vite à cause de la chaleur).
Puis il l'enveloppe dans une étoffe de lin, le fameux linceul... et c'est à partir de ce moment là que les choses se corsent.

Mais continuons sur l'histoire biblique. Lorsque les femmes, disciples de Jésus vont au tombeau, elles constatent que la pierre qui obstruait l'entrée du Sépulcre est roulée sur le coté et que le corps a disparu, le linge s'étant affaissé comme si le corps à l'intérieur s'était "volatilisé".

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (19, 38-41) Traduction Louis Segond

Après cela, Joseph d'Arimathée, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate la permission de prendre le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Il vint donc, et prit le corps de Jésus.

Nicodème, qui auparavant était allé de nuit vers Jésus, vint aussi, apportant un mélange d'environ cent livres de myrrhe et d'aloès.
Ils prirent donc le corps de Jésus, et l'enveloppèrent de bandes, avec les aromates, comme c'est la coutume d'ensevelir chez les Juifs.

Or, il y avait un jardin dans le lieu où Jésus avait été crucifié, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne encore n'avait été mis.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (20, 2-8)

Le matin de Pâques, Marie Madeleine courut trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: «On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis.»
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.

On voit donc toute l'importance de ce linceul. Il ne s'agit ni plus ni moins que de la possibilité de Résurrection et que donc la Vie triomphe de la Mort...


Premières complications

Dans la traduction ci-dessus, on parle d'envelopper le corps du Christ avec ... des bandes. Pas de linceul à l'horizon.
Par contre, on trouve bien le Suaire (plié à coté) et le Linceul, tombé sur place comme si le corps contenu était "évaporé".

Nous avons déjà parlé de l'importance des termes utilisés lors des traductions d'ouvrages anciens. Dans ce cas précis, les traductions sont de première importance.
Les 4 Evangiles (dits "Synoptiques") décrivent la même scène, mais pas avec les mêmes mots et donc pas avec les mêmes rituels.

La Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) parle de "bandelettes". La TOB présente la particularité d'être une traduction acceptée par tous les courants religieux d'où son nom œcuménique.
Ce qui signifie qu'à la traduction, le plus petit commun dénominateur de tous les courants de pensée (judaïque, orthodoxe, catholique, réformiste, etc...) Jésus est enveloppé dans des bandelettes.
La Bible de Jérusalem (à la traduction très fiable elle aussi) parle de "linges", ce qui pourrait correspondre à un linceul.

Or la tradition funéraire hébraïque à cette époque est héritée de la tradition égyptienne, mais n'a jamais fait appel à des bandelettes (les momies sont exclusivement égyptiennes).
On peut donc comprendre que le linceul est sans doute posé sur le corps, pour l'envelopper, puis maintenu en place avec des bandelettes nouées, probablement au niveau des pieds, de la taille et du cou.

De la même façon, aucune mention n'est faite de pièces posées sur les yeux du défunt. Cette tradition existait par contre chez les Grecs pour payer le passage du Styx sur la barque de Charon.
Charon était payé avec les pièces posées sur les yeux (ou une seule pièce sur un seul œil, ou encore parfois dans la bouche, sous la langue) pour transporter le corps du défunt sur l'autre rive du Styx (ou l'Acheron), un fleuve qui séparait le monde des morts de celui des vivants, au moyen d'une barque dont il était le seul pilote.
Certains ont clairement identifié sur le linceul l'image de pièces de monnaie datant de Ponce Pilate.

Autre point curieux : le sens du pliage du linceul. Pour des raisons pratiques, on poserait le corps sur un drap, puis on le ferait "rouler" pour l'envelopper. Dans le cas du Saint Suaire, le linceul est rabattu sur le corps, ce qui complique relativement la tâche des officiants.
Matthieu (27, 57-60) utilise les termes "envelopper" et "rouler", Marc (15, 42-46) utilise "enrouler" et "envelopper", de même que Luc (23, 50-54).
Jean (19, 38-42) quant à lui, utilise les termes "entourer", "lier".
Dans tous ces cas, lorsque vous imaginez la scène, vous voyez la chose suivante : le corps est posé sur une pièce de tissu, puis est roulé, entouré dans cette étoffe pour être finalement "enveloppé" dans une sorte de cocon, lié pour être maintenu en place sur le corps.

Or, le Suaire de Turin est un drap de lin rectangulaire de 4,36 m x 1,08 m, tissé en chevron. Le corps aurait été déposé sur le drap, puis l'autre partie rabattue pour recouvrir le corps, et aucun lien de serrage pour préserver la dépouille n'aurait été posé.
A l'époque de Jésus, ce type d'étoffe est courant. Google est votre ami.
Mais pourquoi le suaire aurait il été utilisé ainsi, en dépit des Ecritures et du simple bon sens ? Pourquoi n'a t il pas été ajusté sur le corps au moyen de bandelettes ou autres attaches ?
Il a simplement été posé à plat sur le corps, en dépit de toutes les traditions funéraires et de la logique humaine ?

De la même façon, la simple observation montre qu'il existe un simple intervalle d'environ 5 cm entre les deux sommet de crâne, celui du haut et celui du bas. D'où vient cet intervalle ?
Au moment du pliage du tissu, il ne pourrait y avoir de discontinuité.


Premières explications

Visiblement il y a déjà là de quoi douter. Mais partons du principe que nous allons vérifier chaque hypothèse.

Certains ont vu sur les photos su Suaire que des pièces de monnaie datant de l'Empereur romain Tibere avaient été posées sur les yeux.
Aucun des Evangiles synoptiques n'y fait allusion, mais en même temps on peut supposer que leur but n'est pas une description clinique des évènements.

La coutume juive (et donc antérieure au Nouveau Testament) veut que le fils aîné, ou l'un des proches, ferme les yeux du défunt. Pour des raisons rituelles (Google est votre ami), le défunt a vu la face de Dieu (la shekhina, la "gloire divine" présente parmi les hommes). Il ne doit donc plus pouvoir voir des choses inférieures, des choses de ce monde.
On lie ensuite les mâchoires du mort et ses pieds, on dépose le corps sur un sol couvert de paille, et on place un morceau de bois sous sa tête. On récite des prières de circonstances et on revêt le corps de lin blanc simple, sobre, et sans la moindre tache.

Je ne suis malheureusement pas un spécialiste du Judaïsme, et je ne connais que les grands principes de la coutume. Mais celle ci a traversé les siècles....

Notez toutefois qu'un lien est posé au niveau des pieds et qu'aucune pièce n'est mentionnée, ni pour maintenir les yeux fermés, ni pour toute autre raison rituelle.
Le seul autre vêtement qui sera posé sur le corps sera son talith (châle de prières), dont on aura coupé les franges.

La coutume des pièces sur les yeux n'existe pas, du moins pas dans le Judaisme, et jusqu'à preuve du contraire, Jésus était Juif et les premiers convertis aussi.
Les partisans de l'authenticité du Suaire ne sont d'ailleurs pas tous d'accord sur la réalité de la présence de ces fameuses pièces (des "dilepton lituus").
Elles sont apparues pour la première fois en 1954, "découvertes" par le Père Francis Filas, un jésuite numismate de Chicago.

Rien ne vient étayer de façon formelle (et surtout technique) cette thèse, et encore une fois, malgré tout ce qui a pu être écrit sur ce sujet, aucune tradition juive actuelle ou dans l'antiquité ne mentionne le dépôt de pièces sur les yeux d'un défunt.

Ce qui est encore plus flagrant, c'est ce fameux intervalle de 5 cm entre les sommets des deux crânes. L'explication la plus simple est encore fournie par l'actualité : en 2015, il y aura une ostention du Saint Suaire.

L'ostention consiste à exposer (en le suspendant à une traverse de bois) le Suaire, qui pend donc dans le sens vertical.
Nous avons donc là, l'explication des 5 cm d'écart, nécessaires au passage de la traverse de bois qui sert à faire l'ostentation et celui de la verticalité du pliage, ce qui permettait de "voir" le corps du Christ avec une mise en scène dramatique, debout face aux fidèles.

D'ores et déjà, nous pouvons nous douter que le Christ a certainement été enseveli, enveloppé d'un linceul, mais ce n'est sûrement pas celui qui est conservé à Turin.


Que nous dit l'Histoire ?

L'affaire du Suaire, qui, soit dit en passant est LA relique la plus étudiée de toute l'histoire, commence en 1898, de façon tout à fait banale, lorsqu'un photographe italien du nom de Secondo Pia prend un photographie du Suaire.
Avant cette date, on ne distingue sur cette étoffe que des ombres et quelques traces sombres, mais au développement, des détails invisibles à l’œil nu apparaissent.
les négatifs montrent en effet, la silhouette d’un homme nu, de face et de dos, ainsi que, clairement, son visage.

C'est une véritable bombe : et si ce visage était celui du Christ ??

Comment une telle chose est elle possible d'autant que les examens entrepris sur ces clichés montrent clairement que le corps révélé par les négatifs de la photographie portait tous les stigmates du martyre et de la crucifixion : flagellations, cicatrice abdominale (la lance de Longinius), marques d'épines autour du crâne ...  Une étude complète fut publiée à ce sujet par Pierre Barbet, un chirurgien parisien en 1950.

On peut se poser la question de savoir d'où ce suaire venait avant 1898. Les partisans de l'authenticité du Suaire évitent d'aborder le sujet historique, nous allons voir pourquoi.

Les premiers travaux historiques sur le suaire ont été faits par le chanoine Ulysse Chevalier (Google est votre ami), homme d'église et historien, spécialiste du moyen âge.
Le suaire qui est conservé à Turin apparait pour la première fois en France, à Lirey (en Champagne, près de Troyes) en 1357.

La création de l'église répond à un vœu de sire Geoffroy Ier de Charny, seigneur de Lirey, Savoisy et Monfort, qui construit cette église en remerciement à la Sainte trinité pour lui avoir permis de s'échapper des prisons anglaises.
A la création de l'église, le Trésor ne mentionne pas cette relique. Pourtant cette église est achevée en 1353, et Messire Geoffroy meurt au combat en 1356.

C'est sa veuve, Jeanne de Vergy, qui commence les ostentations du Suaire à partir de 1357. A partir de cette date, le Suaire entre dans l'Histoire.
Il s'agit avant tout d'une manœuvre financière (de nos jours, on dirait une escroquerie) pour obtenir des dons des pèlerins.

En 1360, l'Evèque de Troyes, Henri de Poitiers, légèrement intrigué par l'apparition subite d'une relique aussi sacrée demanda une enquête, et les enquêteurs découvrirent la fraude et surtout le faussaire : "il fut prouvé par l’artiste qui l’a peint, que c’était une œuvre due à la main de l’homme et non miraculeusement confectionnée ou octroyée".

La veuve du Chevalier et son complice, le doyen des chanoines jouèrent profil bas et dissimulèrent le suaire, pour éviter tout ennui avec la Justice.

En effet des "miracles" avaient lieu lors des ostentations. Après enquête, les miraculés étaient des complices de l'escroquerie.

En 1389, le fils du fondateur de l'église, Geoffroy II, remit le couvert et alla voir l'anti-pape d'Avignon pour pouvoir exposer à nouveau son suaire.
Abusé, le pape Clement VII lui accorda un indult pour l'exposition du suaire .... et les ostensions reprirent.

Mais l'Evèque Pierre d'Arcys, au courant de la fraude et de la manœuvre sortit la grosse artillerie : il interdit au doyen de l'église d'exhiber le suaire sous peine d'excommunication.
Mais le doyen en référa au Pape qui confirma son indult, sans prendre parti sur l’authenticité du suaire, et menaça l'Evèque de sanctions s'il persistait sur la voie de l'interdiction.

L'Evèque informa donc le roi de France, Charles VI qui tenta de récupérer le suaire, mais se heurta à une résistance déterminée à ne rien rendre. Il fit donc un rapport expliquant la fraude, avec le témoignage de l'artiste qui avait réalisé le faux.

La réponse du Pape fut surprenante : elle prenait acte que le suaire était un faux, parfaitement réalisé par un artiste, mais continuait à autoriser (encourageait ?) les ostentations.
Cette réponse ambiguë s'explique par le fait que le trafic de reliques générait un fort afflux financier.
Le Pape ne voulait pas priver de cette manne financière... sa tante car Jeanne de Vergy avait épousé en secondes noces Aymon de Genève qui était l'oncle du Pape...

Ce fut l'antipape Clément VII qui en institua le culte pour des motifs peu avouables.

Le suaire fut acheté (hé oui, acheté) en 1457 par la famille du Duc de Savoie. En 1532, à Chambéry en 1532 un incendie lui occasionne des trous de brûlure que l'on voit distinctement sur toutes les photos du Suaire.
Des sœurs Clarisses feront la fameuse restauration qui fit couler tant d'encre.
Finalement, il arrive à Turin en 1578.
Elle appartenait donc aux héritiers du Duc de Savoie, et fut léguée en 1983, par le Roi Humbert II d'Italie (qui n'a régné que 35 jours, avant la proclamation de la République d'Italie et a été exilé) au Saint Siège.


Comment réaliser un faux suaire ?

Si nous respectons la logique, avec la démonstration que l'on peut faire de toutes pièces, une "suaire" présentant les mêmes caractéristiques que l'original, et en n'utilisant QUE les techniques connues à cette époque, on peut valider l'hypothèse de la supercherie.

L'idée communément répandue est que pour produire un effet pareil, il faut avoir une technologie très avancée ou être un génie incomparable (L'ombre de Léornardo da Vinci ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez).

Rien n'est plus faux. Vous pouvez vous fabriquer chez vous votre propre suaire, très simplement, en ayant toutes les caractéristiques de l'original.

Je ne vais pas vous infliger toute les méthodes, mais sachez que avec de l'eau, de la gélatine et de l'oxyde de fer (de la rouille), un artiste peut vous faire un duplicata parfait.
C'est la méthode du Dr McCrone dont nous reparlerons plus tard.

Le Professeur Randall R. Bresee a lui aussi sa méthode, relativement similaire, ainsi que Joe Nickell, et surtout, le Professeur Henri Broch, Directeur du laboratoire de Zététique de l'Université de Sophia Antipolis.
Chacun d'eux est en mesure de produire un suaire présentant toutes les caractéristiques de l'original à l'exception du tissu, qui lui est réellement historique, comme nous allons le voir.
Cherchez sur YouTube, et vous verrez le Professeur Broch expliquer comme faire soi même son propre suaire, en vidéo.

De fait, il y a une anomalie troublante qui corrobore de façon presque "automatique" la théorie du faux, et de la réalisation suivant des méthodes décrites ci-dessus.

C'est que le Suaire est le négatif d'un... négatif, mais d'un négatif qui ne serait pas photographique. Comme s'il n'y avait jamais eu de positif.
C'est bien ce que montre la fameuse photographie prise par Secondo Pia dont le négatif montre un positif...

Si on admettait que le Suaire soit vrai, cela impliquerait que l'homme contenu dans le linge aurait eu la barbe blanche... chose qui n'aurait pas manqué d'être chroniquée pour cause d'exceptionnalité.

Par contre, si on applique le principe de la coloration sur un bas relief... Miracle (si j'ose dire), nous avons bien la même conformité du négatif non négatif photographique.

Nous commençons à avoir pas mal d'éléments qui tendent à prouver que le Suaire de Turin est un faux très bien réalisé, mais un faux patent.


Pour trancher la question

En 1977, pour tenter de sortir de la querelle pros/antis, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs a été constituée, créant ainsi le Shroud of Turin Research Project (STURP).

Outre la numismatique déjà évoquée ci-dessus, on aurait relevé différents pollens du moyen orient, typiques de Jérusalem, etc....
On parle de radiations, de plasma, d'émission de neutrons pour justifier les traces relevées sur le suaire, bref on patauge.


Pas de sang

Un des membres du STURP (où ont ils été chercher un nom pareil ? C'est vrai que une fois traduit l'acronyme est "spécial"), le Dr McCrone préleva des granules de "sang" pour les analyser.

Les résultats furent édifiants : de l'oxyde de fer. En fait, c'était la base d'un colorant rouge constituant le "sang" qui avait servi à confectionner le suaire.

Badigeonné sur un bas relief bien exécuté par un artiste doué et revêtu du tissu de lin, il constituait l'image que l'on pouvait exhiber à chaque ostentation.

McCrone rendit son verdict : le "sang" était constitué d'oxyde de fer mélangé à un collagène animal (os (moelle), peau d'un animal broyés et mélangés, ce qui peut expliquer la présence de diverses composantes organiques) pour servir de liant, et le rendre "gélifié".
Il ne restait plus qu'à le passer sur le bas relief....

Les autres membres du STURP, convaincus de la véracité du Suaire, firent pression sur lui et il démissionna pour ne pas se démentir. Un révérend anglican le soutint, mais il fut le seul.


Le Carbone 14

Restait la datation au Carbone 14. Ce qui fut fait 2 fois : une première fois en 1973 et une seconde fois avec des appareils plus performants en 1988. La conclusion fut sans appel et corrobora l'ensemble des autres observations : le tissu datait du moyen-âge avec 95% de chances d'une date comprise entre 1260 et 1390.

Oui, mais objectèrent les partisans du linge original, que sait on de ce qui se passe dans un cas pareil ? Au moment de la Résurrection que se passe t il ?  L'objection est valable...mais ne s'applique pas à ce cas... puisque nous avons d'autres explications.


L'imagerie 3D

Des acharnés firent alors un masque en 3D des points qu'ils avaient repérés sur un canevas informatique et l'on voit bien apparaitre le visage de Jésus tel que nous nous le représentons dans notre iconographie (nous en reparlerons en fin de chapitre).

Le seul inconvénient, c'est que l'image est plane, alors que si elle avait épousé la forme d'un corps, elle aurait dû être déformée. Encore une fois, la théorie du bas relief se confirme.
Les acharnés ont imaginé que le "rayonnement" l'avait projeté à plat sur le tissu. Oui, mais comment ? Ils n'en ont strictement aucune idée... Mais si on accepte le bas-relief, tout prend un sens.

Quoi qu'il en soit, même les partisans de l'authenticité, reconnaissent que la forme du contenu du suaire n'est pas en volume, mais "à plat".


Des clous !

Une autre objection concerne la méthode de crucifixion. D'après l'iconographie courante, les mains de Jésus auraient été clouées sur la croix.

Or les romains avaient plutôt pour habitude de lier les poignets des condamnés au montant horizontal, pour éviter un supplément de barbarie sans doute.
Mais il est aussi arrivé que les mains des condamnés soient réellement clouées sur le patibulum. C'est techniquement possible.

Il est d'ailleurs à noter que les condamnés à la crucifixion ne devaient pas porter la croix, mais uniquement la partie horizontale de celle-ci (le "patibulum" qui a donné naissance au mot "patibulaire")et que la partie verticale ("stipes" ou "stauros" en grec, qui attendait, plantée à demeure) n'était pas de grande hauteur (pour des raisons purement pratiques).
Il ne faut pas oublier que le bois était rare à Jérusalem à cette époque et les romains allaient en chercher à 16 kilomètres (environ) pour construire leurs engins de siège, comme le décrit l'historien Juif Josèphe (Google est votre ami).

Jésus n'étant pour les romains qu'un condamné de droit commun, il n'avait pas spécialement de traitement particulier, mais on peut admettre qu'ils lui aient réservé une torture supplémentaire.
Revenons en aux clous. Le premier a avoir fait remarquer qu'une crucifixion était impossible avec des clous plantés dans la paume des mains était le docteur Barbet, en 1950.

D'après lui, la crucifixion par les paumes de mains clouées est impossible, et les clous auraient dû être plantés au niveau du poignet. Il base sa théorie là dessus.

Selon sa version, pour une crucifixion "efficace", les clous devraient être plantés dans l'espace de Destot (Gooogle est toujours votre ami). Sur le suaire, toujours selon lui, on les voit dans cet espace là, et aucun faussaire n'aurait pensé à ce détail anatomique.
Pour lui, cette constatation confirme l'authenticité du suaire...

Or les romains savaient parfaitement crucifier : 6000 révoltés crucifiés après la révolte de Spartacus. Des centaines de crucifiés sous Néron qui les faisait badigeonner de résines pour en faire des torches humaines à la nuit.

D'ailleurs pour prolonger la souffrance (j'allais dire le plaisir, mais c'eut été de fort mauvais goût), ils avaient inventé le "sedile", une sorte de siège qui soutenait le corps du condamné et retardaient le moment de l'étouffement.

Car les condamnés meurent par asphyxie sur la croix, et le fait de leur casser les jambes n'était pas une cruauté, mais servait à abréger leurs souffrances.
De même l'éponge imbibée de vinaigre était un geste de bonté : les vapeurs de vinaigre inhalées anesthésiaient le condamné et rafraichissaient le visage du mourant.

Les romains pouvaient donc crucifier avec des clous et les planter dans la paume des mains, exactement dans l'espace de Destot.
Sauf que.... Vous vous souvenez que le Suaire a été gravement endommagé par un incendie ?
Hé bien des Clarisses de Chambéry ont "raccommodé" le Suaire en 1534, en y insérant des pièces de tissu rapportées.
Lisons ce qu'elles écrivent : "Les ouvertures des clous sont au milieu des mains longues et belles". Au milieu des mains et non au niveau du poignet.

Exit la théorie de Barbet : il avait raison, personne n'aurait pensé à mettre les clous au niveau des poignets.


Des proportions bizarres

Pire : les proportions ne sont pas respectées. Les deux bras ne sont pas de la même longueur et l'un des bras est trop long.

L'aspect esthétique et dramatique a été privilégié mais les proportions humaines en ont souffert. Vérifiez par vous mêmes sur une photographie et avec un compas.

Mieux, les longueurs des doigts sont démesurées, ce qu'avaient déjà noté nos gentilles Clarisses.
Bref, les proportions humaines n'y sont pas.
Lisez certains calculs de partisans acharnés de l'authenticité du Suaire : ils se donnent un mal de chien, alors que les proportions humaines ont été mises de coté pour faire un dessin des plus dramatiques et très réussi...


Les pollens

En 1973, un criminologue suisse, Max Frei, relance la polémique. Il aurait découvert sur le Suaire des pollens typiques du Moyen-Orient.
Sauf que cela ne prouve rien : la contamination a pu se faire au cours du temps. Le tissu n'a jamais été protégé.

De plus, il aurait fallu pouvoir comparer l'ADN d'un pollen et l'ADN des arbres poussant au Golgotha pour pouvoir en tirer une conclusion.

Sinon, tout ce que l'on peut annoncer, c'est qu'au voisinage du Suaire, il y a eu telle ou telle espèce d'arbre, mais les pollens peuvent être transportés par des dizaines de vecteurs.

Même les sindologues les plus convaincus du STURP n'ont pas donné suite à cette idée...


Conformité avec la Passion

La similitude avec les Evangiles est troublante... ben oui, de fait : puisque le bas relief et le Suaire ont été bâtis de toutes pièces, conformément aux Evangiles, et à l'iconographie courante, tout doit correspondre.

Ce n'est pas le Suaire qui est conforme aux Evangiles, ce sont les Evangiles et la tradition qui ont engendré le Suaire... Tout simplement.

Rassurez vous, tout y sera : la couronne d'épines, les flagellations. Tous les détails qui peuvent confirmer que c'est le vrai et l'unique seront bien entendu présents.

D'ailleurs d'aucuns parlent des 4 doigts représentés sur la toile, et qui y voient une preuve du clouage de la main du Christ.

Si cela avait été le cas, le nerf médian aurait été endommagé et il aurait été impossible à la victime de replier son pouce. Il y a donc incompatibilité. Encore un argument qui tombe...


Que faut il en conclure ?

Tout simplement que le Suaire de Turin est un faux, mais qu'il a participé à une magnifique opération de manipulation qui a traversé les siècles pour se poursuivre encore de nos jours.
L'artiste qui a "créé" cette oeuvre n'aurait jamais imaginé que, des siècles après sa mort, son oeuvre continuerait à mystifier les foules et à lui rendre un tribut à jamais inégalé....
Quoi qu'il en soit, le véritable Saint Suaire est ailleurs... comme la Vérité...

Cela ne confirme ni n'infirme rien. Chacun peut continuer à croire ce qu'il veut, car même si le Suaire de Turin est un faux, il n'empêche pas de croire aux Evangiles.... ni d'en douter....
A chacun son opinion, mais n'empêche que cette Oeuvre n'a pas fini de faire parler d'elle....