samedi 24 décembre 2016

CQQCOQP

Mouarf ! On en apprend des choses sur ce blog ! ;-)

Au delà de la blague un rien scato du titre, nous allons voir que cette formule mnémotechnique fait partie des principaux outils de management et qu'elle est beaucoup plus importante que ce que son acronyme peut laisser penser.

Au delà du fait qu'elle paraisse on ne peut plus simpliste, voire naïve, sa maitrise ouvre des perspectives énormes car elle permet de faire des analyses, de résoudre des problèmes, voire de faire des dissertations.


Un peu d'histoire

En fait, cette méthode apparait en Grèce antique. On ne sait pas trop qui est l'auteur, mais on peut supposer que c'est la formalisation d'une réflexion globale, un peu comme le CASI (Contribution Anonyme Sur Internet) de l'époque moderne.

La phrase originale est : « Quis, Quid, Ubi, Quibus auxiliis, Cur, Quomodo, Quando » et la réponse apportée à ces questions permet de "faire le tour" du problème.

En langue de Molière, si on suit la phrase magique, on a : Combien, Qui, Quand, Comment, Où, Quoi, Pourquoi.

Par contre, ce n'est pas une méthode miracle, c'est un système de questionnement qui vous invite à "sortir du cadre" et demande à ne pas se contenter du pré-formatté.

Par exemple, le mot le plus important de cette méthode est Pourquoi.

Mais il peut s'entendre (Voir l'article sur le VAKOG) de 2 façons différentes. Pourquoi faisons nous ceci ou cela, peut être interprété....
Autrement dit au sens premier, quelles raisons avons-nous d'agir, ou bien dans un second temps pour quoi faisons nous ceci ou cela, mais pris dans le sens de "pour quelle raison", quel est notre objectif...

Cette méthode s'interface bien avec la méthode CRIFER (que personnellement j'appelle COIFER)qui se base de la même façon sur les "Enjeux" et "Ce qui est en jeu".....
Nous reviendrons prochainement sur le pouvoir évocateur des jeu de mots et même sur le jeu de marelle...

Mais revenons à nos moutons, et faisons le point sur chacune des questions.


Les questions

Prenez toujours les questions au sens large et laissez votre imagination prendre le pouvoir. Pour une fois, triturez la question au lieu que ce soit elle qui vous triture.

N'hésitez pas à "délirer", cela peut vous ouvrir des perspectives dont vous n'aviez même pas conscience. Sortez des sentiers battus, et "sortez du cadre", c'est le plus productif.

Rappelez vous aussi que toutes ces questions ont deux aspects. Par exemple, pour "Qui ?", on peut se demander qui agit ou qui subit.

Mais encore une fois, ayez bien en tête le Pourquoi. "Pourquoi" on se pose toutes ces questions ou "pour quoi" on se les pose....

Maintenant, voyons-les plus en détail ces fameuses questions....

Combien

On introduit une notion de quantité. Pas seulement monétaire (de pognon pour les mal-comprenants) mais qui recouvre tout ce qui peut être quantifié (et qui a un rapport avec le Schmilblick).
On cherche à quantifier les choses : un effectif, un délai, une somme, bref, un inventaire réel des moyens nécessaires pour atteindre l'objectif.
Le "Combien ?" doit rester réaliste et tenir compte de vos contraintes.

Qui

Nous en avons déjà parlé. Qui agit ou qui subit. Mais aussi qui est impacté, quelles sont les caractéristiques de qui, qui peut il être constitué de plusieurs groupes distincts et si oui, lesquels.
Le but du jeu, à ce niveau est de sortir de la réflexion standard et d'essayer de voir la totalité de ceux qui sont impactés par votre objectif. Ce n'est pas forcément nominatif, mais peut "cibler" un groupe particulier de personnes. 
Bref vous faites l'inventaire des moyens humains et financiers et vous établissez le rapport entre le nécessaire pour atteindre l'objectif et ce dont vous disposez au moment de l'étude.

Quand

La notion de temps. Date de date en termes de délais ou de date butoir, lié à un évènement ou à un niveau de préparation.
Les questions de date sont trop souvent négligées ou totalement irréalistes. Le "Quand ?" peut aussi survenir à partir d'un élément déclencheur, et même lui être subordonné.
Par exemple, lorsque vous allez présenter un rapport, vous allez automatiquement définir le "Quand ?" dans votre préambule et même, souvent, faire un historique....
Ou bien vous faites un planning et / ou un rétro-planning.

Comment

Le mot "Comment" introduit la méthode. De quelle façon allons-nous techniquement atteindre notre objectif....
Il s'agit là de définir sa stratégie. Rien de moins.
Même si la formulation est difficile, il faut toujours tracer un plan d'action. Sans plan d'action, un objectif ne sera jamais atteint.
Et d'ailleurs, "comment" sait-on que l'objectif est atteint... Nous allons mettre ici en place les indicateurs qui vont donner le résultat, succès ou établissement d'une nouvelle stratégie (l'échec n'existe pas : l'objectif n'est pas atteint, il faut une nouvelle stratégie pour y parvenir).

Le ou les lieux, bien évidemment. Mais pas que....
On pense généralement aux lieux physiques, cartographiés. Mais on peut aussi se poser la question de savoir "Où ?" se situe le noeud du problème, "Où ?" se situe le point faible de la stratégie ou des personnes....
De suite, ça devient plus intéressant, non ? On continue, "Où ?" est l'argent, "où ?" sont les investisseurs, "Où ?" se place-t-on dans un processus, etc.....
Il va de soi que selon le lieu virtuel où l'on se place, le point de vue change.... C'est pour cela que le "Où ?" ne doit pas être négligé, contrairement à ce que je vois régulièrement où on se contente de répondre à des notions de cartographie pour répondre à cette question qui parait si simple....

Quoi

De quoi t'es ce qu'on cause ? Ben oui, il faut bien définir les choses, mais aussi le vocabulaire commun pour que les échanges soient fructueux.
Souvent j'entends dans ces échanges "Mais de quoi on parle ?". Oui, c'est excellent, on recadre la situation. On ne s'éparpille pas. Avec les corollaires du style "On fait quoi ?" qui sollicite des arbitrages ou une redéfinition des objectifs.
"Quoi ?" tout seul est difficile à appréhender. Mais dans une phrase, il prend plus de sens, et il introduit aussi le "pour quoi" on le fait.
"On parle de quoi ?", "On fait quoi ?", "Qui fait quoi ?", "On parle de xxx, mais c'est quoi exactement ?". Autant de phrases qui permettent d'avancer. On redéfinit les termes, le vocabulaire et on commence à fixer les bases de la stratégie en affectant les tâches ou en les redéfinissant....

Pourquoi

Ah la bonne question... Le mobile ou la finalité, que l'on peut traduire aussi par l'objectif visé ou par l'analyse de la situation actuelle.
Le "pourquoi" ou le "pour quoi". La définition des objectifs est cruciale, même dans vos objectifs de tous les jours.
Vous connaissez certainement la vieille blague :
"Au moyen âge, l'architecte qui construit une cathédrale vient sur le chantier au moment du repas et interroge des tailleurs de pierre en train de se restaurer.
A chaque tailleur, il pose la question "que fais tu ?" et les réponses sont les suivantes :
- Je me repose en me restaurant
- Je taille des pierres
- Je gagne ma vie
- J'essaie de faire des blocs de pierre les plus réguliers possibles
- Je fais partie d'une équipe qui fournit les blocs de construction
- Je bâtis une cathédrale"
Vous voyez la progression ? il y a beaucoup à voir dans cet exemple... à méditer....

Autre exemple, il y a pas mal d'années, l'industrie horlogère française avait pour fleuron, la société Timex. En séminaire les cadres de cette société ont défini pour objectif "Je fabrique des montres".
Au même instant, chez Seiko, même topo, avec pour objectif final "Nous mesurons le temps".
Laquelle des deux prospère encore aujourd'hui selon vous ? Comment ça, vous n'avez jamais entendu parler de Timex ????


Et on l'utilise comment ?

Ben déjà on emploie le terme "Comment", ce montre si besoin en est la pertinence de la chose.
On sait maintenant ce que veut dire CQQCOQP. Mais comment le mettre en pratique... Ben il y a 2 possibilités. La roue ou le tableau.

La roue

Au centre d'une feuille à l'italienne (en paysage), on inscrit notre question, et en dessous Pourquoi (il va de soi que si vous cherchez un lieu pour vous réunir, ce sera Où qui sera inscrit au centre, c'est la question principale qui importe). Puis on fait partir 6 rayons qui tournent autour de la question centrale et à chaque rayon, on associe une question.

Et ainsi de suite. A chaque question, on associe différents facteurs, qui eux mêmes peuvent contenir des sous facteurs. Ne perdez pas de vue l'objectif, nous sommes bien d'accord.

Mais vous allez voir apparaitre une trame qui va vous donner un plan. Soit un plan d'action, soit un plan pour l'écriture de votre dissertation.

Par exemple, vous voulez fêter l'anniversaire de Raoul, comme dans les Tontons flingueurs.

Anniversaire de Raoul Qui Sera invité / ne DOIT pas venir / Ne VEUT pas venir / Se révolte contre Fernand
Où ? Combien De personnes Inviter / de cadeaux à offrir / prix à mettre dans les cadeaux / récupérer d'oseille

Quand Il y a justement une réunion clandestine prévue ce soir, dans une péniche, et ça coïncide avec la date

Comment Fêter dignement la chose / montrer que c'est Fernand qui commande

Quoi Une fête ou une sauterie (comme dans Astérix) ou une réunion de conjurés / faire un exemple / frapper les esprits (et Raoul !)

Pourquoi Parce que c'est Fernand que le Mexicain a choisi comme tuteur de sa fille Patricia / faire passer le message / identifier les conjurés / faire un coup d'éclat


Il va de soi que de la définition des différents critères, le "Où ?" va commencer à prendre forme et répondre aux différentes contraintes qui sont énumérées.

Le mot le plus important de tous (comme je l'ai déjà dit...) est "Pourquoi". Il traduit les objectifs.
De cette définition, tout le reste va découler. C'est pour cela que j'ai volontairement pris un exemple ou la question principale est le "Où ?" et non pas le "Pourquoi ?"....

Le tableau

De la même façon, on peut créer un tableau à double entrée pour poser notre problème.



Comment Combien Pourquoi
Qui


Quoi





Quand



La méthode est la même, mais cette fois, on sépare.
Il suffit de remplir les cases vides et les choses vont commencer à vous apparaitre sous un jour nouveau.

Un autre exemple ?

Dissertez sur "La peine de mort". Oui, je sais, on a certainement dû vous faire le coup...
On me l'a bien fait à moi ;-))).

Reprenons notre trame : Comment est-elle infligée ? Est-ce un traitement humain (quoi) ? A qui est elle infligée ? Combien d'exécutions chaque année ? Dans quels pays est elle encore appliquée (où) ? Quand est elle appliquée (pour quels crimes ou autre possibilité, voir son évolution dans l'Histoire) ?

Tout cela pour répondre à la question (objectif) : quelle est l'utilité de la peine de mort, pourquoi fait -elle encore partie de l'arsenal juridique répressif de certains pays ?

Un plan possible de votre dissertation se forme :

  • I (Thèse) La peine de mort se veut dissuasive (quand)
  • II (Antithèse) Mais on exécute plus d'innocents que de coupables (qui)
  • III (Synthèse = Donc) quelle est l'utilité de son maintien (pourquoi)

Vous pouvez en trouver 50 autres selon vos convictions et surtout, vous allez enfin sortir du cliché, je dis tout ce qui est pour, puis tout ce qui est contre et après, je suis emm...nuyé pour conclure....
Admirez aussi, au passage le syllogisme (Merci pour vos Bravos admirateurs....).
Notez aussi que le autres réponses aux questions peuvent vous fournir de la matière à caser dans vos 3 parties... A bon entendeur....
Et pour les juristes avec un plan en 2 parties et 2 sous-parties, vous voyez l’intérêt de la méthode ? Phénoménal, hein ?


Le mobile, le moyen, l'opportunité

Cette façon de procéder semble presque puérile, ben oui, on apprend les dissertations en 3eme....mais pourtant, on l'utilise aussi pour élucider des crimes.
Certes, les fonctionnaires de police utilisent la phrase "le mobile, le moyen, l'opportunité", mais revoyons le à notre sauce managériale...

Le mobile, c'est le pourquoi ; le moyen c'est comment, et l'opportunité, c'est à la fois où et quand.....
Reste combien ... de personnes sont dans le coup pour les complices éventuels et quoi qui est déjà défini puisqu'il s'agit du crime lui-même...

Comme quoi notre petite phrase du début n'est pas si anodine qu'elle en a l'air....
Mieux, je vous conseille de regarder certains épisodes de Barnaby (oui, je suis un No-life, et je passe ma vie collé devant ma télé) et vous le verrez mettre sur un grand tableau (et relier le tout avec des brins de laine (rouge pour les vicieux qui se posent la question)) les photos des suspects (Qui), le lieu de crime (Ou), attendre les résultats de l'autopsie pour connaitre les circonstances du décès (Comment), avec quelle arme (Quoi), la date et l'heure (Quand), et déterminer s'il y a des complices ou pas (Combien), tout cela étant lié par le mobile (Pourquoi et Pour quoi)...

Et vous retrouvez... le modèle de raisonnement en roue évoqué ci-dessus... CQFD....

Alors, on fait moins les malins, hein ?

Comme quoi, une petit phrase tout simple venue du fin fond de l'antiquité et attribuée à...personne en particulier révèle toute son acuité de nos jours....
A méditer...


Vous pouvez bien entendu, critiquer, commenter et râler, autant que vous le souhaitez, les commentaires sont libres et non modérés....
A vous de jouer, défoulez vous....